September 14, 2022
France

Sécurité militaire : un projet éolien rejeté par l’État dans le nord de la Vienne

Anthony FLOC'H | 12/09/2022 | centre-presse.fr

Dans un arrêté du 1er septembre 2022, la préfecture de la Vienne rejette le projet éolien de Glénouze-Ranton, dans le Loudunais. En jeu selon elle, la sécurité militaire. La société Eolise, promoteur du projet, consteste la décision.

C’est assez rare pour être souligné. Dans un arrêté en date du 1er septembre 2022, la préfecture de la Vienne annonce le “rejet” du projet de parc éolien de Champs-Gautier, sur les communes de Glénouze et Ranton dans le Loudunais.

Ce projet de quatre éoliennes déposé le 24 février 2022 par la société Éolise (qui porte ici l’appellation SAS Loudunais Energies 2) faisait l’objet, depuis six mois, d’une instruction par les services de l’Etat, étape préalable à l’enquête publique.

Une “gêne non acceptable pour les armées”

Si la préfecture de la Vienne a décidé d’y mettre un terme précipitamment, c’est à la suite de l’avis défavorable formulé, “dans un courrier du 5 mai 2022 confirmé le 22 août 2022”, par la direction de la Sécurité aéronautique d’État, organisme du ministère des Armées (1) en charge de la sécurité aérienne sur le sol français.

“L’implantation d’aérogénérateurs dans ce secteur engendre une gêne non acceptable pour les armées”, mentionne la préfecture de la Vienne dans son arrêté.

Le projet éolien de Glénouze-Ranton, développe-t-elle, “se situe en intervisibilité simple du radar militaire de surveillance de Cinq-Mars-la-Pile” (Indre-et-Loire)” et “dans un secteur défini autour la (zone de protection) LF-P22 Chinon Avoine”, un espace de 5km autour de la centrale nucléaire ligérienne au-dessus duquel aucun avion ne peut voler pour des raisons de sûreté nucléaire.

Ce périmètre élargi autour de la centrale chinonaise “peut faire l’objet d’une protection particulière en cas de menace, dans le cadre du renforcement de la posture permanente de sureté”, poursuit la préfecture.

“Des batteries de tirs sol-air, dont la mise en oeuvre repose sur des moyens radars dédiés, peuvent (y) être déployées sur décision gouvernementale (…) en cas d’augmentation du niveau de menace.”

Or, pointe l’administration, “les éoliennes peuvent être à l’origine de diverses perturbations du fonctionnement des radars”.

La société Éolise conteste la décision

Dans un communiqué, la société Éolise, basée à Chasseneuil-du-Poitou, informe qu’elle “conteste” la décision préfectorale. “Le rejet est motivé par la perturbation supposée mais non avérée d’un radar situé à 50 km du projet”, estime le promoteur poitevin.

Éolise envisage à la fois un recours devant le tribunal administratif et le dépôt en préfecture d’un nouveau dossier d’instruction, précise Baptiste Wambre, responsable de développement éolien de la société, joint ce lundi 12 septembre 2022 par téléphone.

Il faut savoir qu’en juin 2021, le gouvernement a durci les règles d’implantation d’un parc éolien en France, imposant l’autorisation du ministère des Armées pour tout projet situé dans un périmètre de 70 kilomètres autour d’un radar militaire, et non plus 30 km comme c’était le cas jusqu’alors. Sauf qu’un an plus tard, en juin 2022, sous la pression des constructeurs de parcs éoliens, le dit arrêté a été abrogé par la Circulation aérienne militaire.

“Les nouvelles règles rendraient le projet compatible”

Sur le dossier de Glénouze-Ranton, lorsque la Sécurité aéronautique d’État a rendu son premier avis en mai 2022, l’arrêté des 70 km était en vigueur. Un mois après, il ne l’était plus, ce qui a incité la préfecture de la Vienne à re-solliciter un avis de l’organisme dans la foulée. Cela n’a rien changé : en août 2022, la Sécurité aéronautique d’État a confirmé son avis défavorable.

Incohérent aux yeux d’Éolise : “Les nouvelles règles en vigueur rendraient le projet compatible”, estime l’entreprise, qui dénonce “le flou” entretenu par l’Armée sur ces règles et déplore le “décalage” entre cette situation et le “contexte de crise énergétique”.

En off, un observateur, joint ce lundi 12 septembre fait le lien entre cette décision et le climat géopolitique actuel, sur fond de guerre en Ukraine. “Dans un contexte de tensions géopolitiques majeures, la parole de l’Armée pèse lourd”, fait valoir, en off, notre interlocuteur, citant le cas de la centrale nucléaire ukrainienne de Zaporijia, objet de toutes les inquiétudes.

(1) Le ministère des Armées, sollicité ce lundi 12 septembre, n’a pas donné suite.

Dans le Nord-Vienne, un autre projet éolien bientôt rejeté pour les mêmes motifs ?

Dans le nord de la Vienne, un deuxième projet de parc éolien porté par la société Eolise, celui de la Plaine de Nouzilly sur les communes de Loudun et Chalais, est sous la menace d’un rejet préfectoral pour les mêmes motifs. C’est en tout cas ce qu’annonce le promoteur poitevin : “L’arrêté de rejet n’a pas encore été publié mais devrait arriver dans les jours à venir.”

Ce qui pousse le promoteur à dire cela ? “L’Armée a rendu un avis défavorable, pour les mêmes raisons que celles invoquées pour le projet de Champs-Gautier”, affirme Baptiste Wambre, responsable de développement éolien chez Éolise.


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