August 10, 2014
Opinions, Quebec

Éolien: l’heure des comptes

Jean-François Cliche | Le Soleil | 09/08/2014 | www.lapresse.ca

(Québec) Avec la requête présentée cette semaine devant la Régie de l’énergie, cela fait deux années de suite qu’Hydro-Québec demande des hausses tarifaires salées (5,4 % et 3,9 %, contre 2 % d’inflation) et met la faute sur l’éolien. Et le bon contribuable aurait intérêt à s’y habituer, parce que ce n’est qu’un début. Il y a déjà longtemps que nos politiciens se font du «capital politique» facile avec Hydro-Québec, sous des prétextes de «développement régional»; l’heure des comptes a sonné.

L’ampleur des surplus d’énergie de la société d’État a été amplement documentée, mais on n’en a pas encore atteint le sommet, avertissait récemment la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec. Bien des projets lancés ces dernières années entreront bientôt en production et grossiront nos excédents.

Or ces nouvelles installations coûtent plus cher qu’elles rapportent, peu importe d’où elles tirent leur énergie. Qu’il s’agisse du barrage de La Romaine (6 ou 7 ¢ le kilowattheure) ou du prix plafond imposé par le gouvernement Marois pour l’éolien (9 ¢/kWh), ces nouveaux projets ne feront pas leurs frais. Le marché québécois est déjà plus que desservi et les connections aux marchés extérieurs sont déjà saturées aux heures de grande consommation, si bien que toute nouvelle production ne pourra être écoulée qu’à des moments où la demande en électricité dans le nord-est américain est faible et les prix, à l’avenant (autour de 3 ¢/kWh).

Et le pire est à venir. Ces installations déficitaires ont produit pour «seulement» 5,3 TWh d’électricité en 2012, mais bien d’autres ont été construites depuis ou le seront bientôt. En vertu de contrats d’achat à long terme, toujours selon la Commission, c’est pas moins de 28 TWh qu’Hydro devra acheter au prix fort en 2020 – de diverses sources renouvelables, mais surtout de l’éolien.

Alors on ne fait vraiment que commencer à payer, et c’est sans compter les 350 MW supplémentaires par année que réclame l’industrie éolienne jusqu’en 2025, moment où l’entretien ou le remplacement des vieilles éoliennes suffirait présumément à «faire vivre» les usines québécoises.

De tout ceci, il faut tirer deux conclusions. D’abord, il était plus que temps qu’Hydro-Québec soit soumise à des règles de transparence plus sévères. Quand nos politiciens se servent de son électricité pour soutenir l’éolien, l’aluminium ou d’autres industries, ils font du développement économique – ou, dit autrement, de la politique. Et comme la société d’État n’était pas soumise à la Loi sur l’accès à l’information jusqu’à l’an dernier, cela permettait de faire de belles grosses promesses économiques sans rendre de comptes, tout en laissant à la société d’État l’odieux d’annoncer, quelques années plus tard, des hausses de tarifs. La belle affaire…

Mais plus fondamentalement, il va falloir se poser de très sérieuses questions sur cette «filière vent». Les grandes hélices que l’on met en service au Québec ne remplacent pas des centrales polluantes. Avec nos surplus actuels, elles ne remplacent rien du tout, ce qui rend leurs vertus environnementales un peu douteuses. C’est d’abord le développement régional, principalement celui de la Gaspésie, qui a motivé les commandes du provincial.

Bien sûr, il n’y a rien de mal à ce qu’un gouvernement appuie le démarrage d’une industrie dans une région frappée par le chômage. Mais dans le cas de l’éolien, le coup de pouce commence à prendre des allures d’abonnement permanent aux subsides, parce que rien n’indique qu’Hydro-Québec pourra obtenir beaucoup mieux que 3 ¢/kWh dans un avenir prévisible.

Le dernier appel d’offres de 800 MW d’éolien lancé par le gouvernement Marois représentait une subvention de 200 000 $ par emploi pour des «jobs» à 50 000 $ par année. Ça fait cher le poste…


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