September 23, 2010
Romania

Éoliennes ou pélicans?

Patrice COSTA - Vendredi 13 août 2010 - estrepublicain.fr

En Roumanie, la multiplication des parcs éoliens menace la riche biodiversité du delta du Danube.

[In Romania, the multiplication of wind energy facilities threatens the rich diversity of the Danube delta.]

Voici un exemple effarant du côté obscur de la course aux énergies renouvelables. En Roumanie, dans l’immense plaine de la Dobrogea, une steppe émaillée de collines qui s’étire entre le port de Constanta et le delta du Danube, les premiers aérogénérateurs ont poussé il y a deux ans environ. Mais ces derniers mois, une incroyable frénésie de plantations d’éoliennes a saisi cette région du littoral de la mer Noire au point que le lieu pourrait très vite devenir le plus grand parc éolien d’Europe. Attirés par un potentiel venteux idéal – la vitesse moyenne du vent oscille autour de 7 m/s – stimulés par une loi récente qui oblige le rachat de l’électricité produite à un tarif juteux – entre 8 et 10 centimes d’euros par kW/h – les investisseurs et promoteurs de tous poils se sont jetés sur le gâteau avec la bénédiction des autorités locales et de l’État. À Bucarest, les demandes de construction de parcs affluent au point d’atteindre un total estimé à 23 000 mégawatts !

Guéguerre villageoise

Bien entendu, cette convoitise se moque totalement de la pérennité de l’un des milieux naturels parmi les plus originaux et les plus riches du Vieux continent… les capitaux sont d’origine espagnole, tchèque et autres et les projets affluent. Dans le village de Cogealac, à une vingtaine de km de Constanta, il est prévu d’ériger 800 mâts ! pour une puissance installée de 1600 MW. À terme, ce sont près de 3000 km2 de steppe qui seront recouverts par cette pépinière artificielle avec à la clé l’ambition de produire 10% de l’électricité de la Roumanie. Avec la promesse de retombées sonnantes et trébuchantes, la Dobrogea autrefois si déshéritée, est devenue une pompe à fric pour ses villageois. À tel point que le choix des sites d’implantation des filles du vent est désormais un motif de tension. Récemment, la police a dû intervenir pour éviter qu’une bagarre entre les habitants de deux communes voisines ne se transforme en bain de sang.

Corruption

L’appât du gain ignore en outre que beaucoup de sites de la Dobrogea ont été classés Natura 2000, comme l’est d’ailleurs la majorité des 4000 km2 du delta du Danube, dernière zone humide d’Europe occidentale encore à peu près épargnée par les activités humaines. « L’éolien va signer la mort de la biodiversité exceptionnelle du delta et de la Dobrogea. Les études d’impact n’ont aucune valeur écologique. Natura 2000 est contourné et la corruption règne pour obtenir l’accord des propriétaires de terrains ou des instances administratives. Nous sommes en Roumanie, le feu vert est donné sans problème…», soupire un biologiste de la Fondation Eco Pontica, seule ONG locale à se battre contre ces moulins à vent, autant de pièges mortels pour les centaines de milliers d’oiseaux migrateurs qui transitent par cette région. Eco Pontica a lancé une pétition internationale (www.eco-pontica.ro) pour interpeller la Commission européenne sur ce gâchis. Les technocrates de Bruxelles feraient bien d’y regarder à deux fois lorsqu’ils accordent des millions d’euros de subventions à la Roumanie pour développer les énergies vertes, sans se soucier de savoir si cet argent risque de condamner l’un des derniers paradis verts de l’Union.


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